L’importance du 5455 rue de Gaspé 28 octobre 2011

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On les aperçoit lorsque l’on flâne devant les nouvelles boutiques de la rue Saint-Laurent ou lorsqu’on déguste son café sur la rue Saint-Viateur. Les grandes tours en béton de la rue de Gaspé sont visibles des kilomètres à la ronde. Je vous l’accorde, elles ne sont pas très jolies au premier coup d’oeil, mais elles sont très importantes au milieu de la mode.

Plusieurs Montréalais ignorent que ces tours situées sur la rue de Gaspé et Casgrain sont occupés par plus de 800 artistes visuels, médiatiques, designers et travailleurs dans le milieu culturel.

Rue de Gaspé, photo ALMM

Le 5455 rue de Gaspé
L’immense tour grise, le 5455 rue de Gaspé, a des nouveaux proprios depuis juin dernier. Ces derniers sont plus ou moins sympa avec les artistes. Depuis l’achat, certains collectifs de créateurs doivent déménager, et ce, à très court terme. Déménager son atelier à moins de 3 mois de préavis, c’est coûteux et pas prévu dans son agenda déjà très chargé. Les conséquences pour ces petites entreprises sont catastrophiques. D’autres artistes doivent vivre dans l’incertitude et se voient dans l’obligation de louer au mois.

Lundi dernier, l’organisme Pied Carré a tenu une conférence de presse pour sensibiliser les acteurs du développement montréalais.

Les locataires
Vous connaissez sûrement certains des locataires situés dans les grandes tours: Ève Gravel, Valérie Dumaine, Anastasia Lomonova et Complex Geometries y ont tous leurs locaux. Le 5455 abrite également des joueurs importants dans l’industrie de la mode. Plusieurs ateliers de sous-traitants y sont établis depuis de nombreuses années.

Photo du site citizenshift.org

La gentrification du Mile-End

Avec la gentrification du quartier, les nouveaux propriétaires espèrent attirer de nouveaux locataires intéressés à s’implanter dans le Mile-End. Avec ses beaux cafés, ses bons restaurants et ses nouveaux condos, le quartier est très recherché. Tout à coup, les grandes tours grises défraîchies que seuls les artistes voulaient occuper deviennent intéressantes aux yeux des acteurs immobiliers.

Et alors, les artistes n’ont qu’à déménager?
Voilà une phrase que l’on entend souvent depuis que cette nouvelle est dans les médias.
À part les grands frais que cela peut entraîner de déménager, il existe d’autres conséquences graves pour le milieu de la mode montréalais.

- Avoir un atelier situé à plusieurs kilomètres de ses fournisseurs/sous-traitants, ce n’est pas souhaitable, ni stratégique pour un designer
- Trouver un autre espace aussi bien situé et aussi grand ailleurs à Montréal relève du défi. Les espaces pour les designers se font rares. L’esprit « communautaire » du secteur de Gaspé est bénéfique à tous. Éloignement rime avec isolement.
- Lorsque les acheteurs étrangers visitent à Montréal, parcourir la ville de long en large n’est pas l’idéal. En août dernier, je vous racontais ma journée avec les acheteurs d’Anthropologie dans le Mile-End. Ils ont adoré l’énergie du quartier et en une journée, ils ont pu visiter tous les artistes dans un seul quartier. Imaginez la galère quand tous les artistes sont éparpillés.

La solution? Éliminer la gentrification est impossible, mais il existe d’autres solutions.
La Ville de Montréal et le gouvernement provincial pourraient intervenir et adopter une politique en faveur des artistes.

L’organisme Pied Carré propose que « la Ville de Montréal et le ministère de la Culture s’engagent à travailler concrètement à la mise en place de solutions visant à sécuriser les lieux de travail pour les artistes, artisans et travailleurs culturels dans le secteur Saint-Viateur Est, et ce, immédiatement ».

Utopie? Plusieurs villes ont réussi à adopter de telles politiques (exemples à Londres et à Boston)…alors, pourquoi pas Montréal ?

À surveiller de près!

http://www.regroupementpi2.org/

Julia Vallelunga (931 Posts)

Julia Vallelunga est l’éditrice et la fondatrice d’À la mode Montréal ainsi que l'éditrice web francophone pour Aritzia. Passionnée par la déco et les voyages, elle adore dénicher des belles trouvailles d’ici et d’ailleurs. Bachelière en économie et politique de l’Université de Montréal, elle a travaillé comme lobbyiste (pour des gentils) à Bruxelles pendant quelques années et comme conseillère en démarrage d’entreprise à Montréal.


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3 réponses à “L’importance du 5455 rue de Gaspé”

  1. Stéphanie #

    Connaissez-vous les companies qui prévoient déménager?

    7 août 2014 à 15 h 19 min Répondre
  2. Maxime #

    C’est certain que la gentrification a ses mauvais côtés, surtout pour les artistes.

    Cependant, je pense qu’il faut tenter de le voir du bon côté. La gentrification fait également en sorte que les villes se développent et grandissent. Lorsque les prix montent dans un quartier, les gens qui ne peuvent plus se permettre d’y habiter migrent dans un autre. C’est ce qui crée une mouvance dans les villes, ce qui fait en sorte que certains quartiers autrefois mal perçus deviennent eux aussi des pôles de création (le meilleur exemple est St-Henri).

    Certes, c’est désolant pour tous les artistes qui auront à déménager. Par contre, ils pourront contribuer à développer d’autres quartier qui sont tout aussi stratégiquement situés que le Mile-End (Pointe St-Charles, Petite-Bourgogne, Notre-Dame de Grâce,etc). Si on le voit de ce côté, je pense que c’est quelque chose d’assez bénéfique pour Montréal, surtout que la ville tente de se positionner comme ville mondiale de création. Je pense qu’en développant tous ses quartiers, en faisant bouger le talent, elle a de meilleures chances d’y parvenir.

    28 octobre 2011 à 15 h 28 min Répondre
  3. Bravo Julie, c’est vraiment un excellent billet et tu soulèves un problème qui me tient à coeur.

    J’ai travaillé sur le phénomène de la gentrification dans le cadre de ma maîtrise et je connais très bien le coin (mon gym était auparavant au 5455 De Gaspé et est déménagé un coin de rue plus loin sur Casgrain). Je me demandais quand les tours allaient être transformées en condo comme tout le reste dans le quartier puisqu’elles détonnent carrément avec le reste du quartier.

    Je suis très triste de savoir que les nouveaux propriétaires ne voient pas le pôle artistique que leur immeuble représente. Il existe certainement des solutions au phénomène de gentrification. Ça serait dommage que Montréal qui essaye de se tailler une place dans l’industrie de la mode manque le bateau et qu’elle ne voit pas à quel point la protection de ce pôle lui serait bénéfique.

    Je vais suivre de près les actions de l’organisme pied carré. Mon commentaire est plutôt long, désolée! (c’est ça quand on est passionné j’imagine!)

    Jessica

    28 octobre 2011 à 13 h 42 min Répondre

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